Caen – Une création qui voit le jour est toujours un moment émouvant et sensible. Pour « les ombres portées » ce moment l’est tout particulièrement car l’homme qui en a donné l’impulsion nous a quitté il y a un peu plus d’un an, sans achever ce projet. Cet homme c’était Tristan Jeanne-Valès, un immense photographe, longtemps associé à la Comédie de Caen.
Laissons-lui la parole en guise d’introduction :
« J’ai photographié la musique : les gueules, les doigts serrés sur l’instrument, les mains qui claquent, la salive et le bois noir de la flûte, la peau animale des percussions, j’ai vu la plainte et le chant profond, la fierté brutale d’être là, la sueur de celui qui joue pour la nuit, pour moi, pour lui. J’ai photographié la danse: j’ai vu la sensualité, pas ou peu de paroles, les corps se frôlent, se toisent, se touchent, lumière et pénombre, la peau. J’ai photographié des écrivains, des peintres, des cinéastes, j’ai vu et j’ai pris leur regard, leur talent, leur folie. J’ai beaucoup voyagé. J’ai écrit dans des bars, des bars de nuit à Lisbonne, à La Paz, à Brest; à Skopje. J’ai soixante-six ans. Je ne suis plus photographe. Je suis photographe. La ballade est sans fin. J’écris, j’écris sur mes images. Mes images : je veux les voir lues, je veux les voir dites. Leur donner corps il est temps. »
De ce très riche matériau composé d’images et de textes un premier travail de sélection avait donc commencé avec la comédienne et metteure en scène Annie Pican. Elle a depuis repris l’ouvrage pour donner vie à la création : « les ombres portées », pièce qui emprunte quelques-uns des chemins d’aventure « légendés » par l’artiste. À ses côtés Pablo Géléoc à la scénographie, à la vidéo et aux habillages sonores et le comédien Laurent Frattale. Au plateau ce dernier évolue dans un dispositif où l’image, les images, nous replongent dans des moments de vie, dans des clichés connus ou pas et où la voix invite à la réflexion, aux voyages… S’établit alors une étroite frontière entre la poésie des photos et le flots des mots qui s’entrechoquent. Où le réel et le virtuel s’effleurent comme dans une danse, dans un parcours doux et sinueux.
« les ombres portées » est spectacle intime et intimiste, qui n’est ni un hommage, ni une rétro, plutôt une forme d’introspection ouverte ; un « au-revoir » peut-être ? Une ballade heureuse qui invite à reposer notre regard sur une infime partie du travail d’un homme.
Avis aux curieux : il est toujours possible d’effectuer quelques visites sur les deux sites de Tristan Jeanne-Valès.
Pratique :
les ombres portées
Les jeudi 19 octobre, vendredi 20 octobre et samedi 21 octobre à 19h.
Studio 24, 24 rue de Bretagne à Caen.
Plus d’informations : suivez ce lien, merci !
Le site de Tristan Jeanne-Valès : c’est par ici !