Après l’adaptation d’Arlequin poli par l’amour de Marivaux, de Toâ de Sacha Guitry primée au festival Impatience de l’Odéon Théâtre de l’Europe, la Piccola Familia et son metteur en scène Thomas Jolly travaillent sur une écriture contemporaine : celle de Mark Ravenhill, dramaturge émergent de la nouvelle génération anglaise. L’auteur s’inspire de la vie de Nan Goldin (cf article en rubrique Expositions)photographe américaine talentueuse qui dès les années 70 gravite, au sein d’un collectif artistique puis en solitaire, autour de la photographie documentaire, de l’histoire du cinéma, de la musique. La pièce décrit la séparation du collectif. Une écriture ancrée dans notre époque qui ne pouvait que séduire la jeune compagnie qui signe avec Piscine [pas d’eau] sa troisième création. Le Trident. Nouveau lieu : Ancien Hôpital des Armées. Du 18 au 22 janvier 2011. Cherbourg, 50. La Scène Nationale le 27 janvier. Evreux, 27. La Chapelle Saint Louis du 1 au 4 février. Rouen,76. Le rayon vert le 11 février. Saint-Valéry en Caux,76.
» C’est une histoire de famille. Encore. Comme nous. (Et plus que jamais.) Des artistes. Aussi. Comme nous. Mais plasticiens, ceux-là. Performers. Ils se sont rencontrés il y a longtemps, sur les bancs de la fac ou au cours de leurs formations. Aussi. Comme nous. Ils ont décidé de travailler ensemble. Aussi. Comme nous. Etre collègues et amis. Travailler et s’aimer ensemble. Et travailler à s’aimer ensemble. Et aimer travailler ensemble. Aussi. Comme nous. Et donner à voir ce qui en résulte. Une utopie. Aussi. Comme nous ?
A l’heure où ils viennent face à nous, ils ne se connaissent plus. Ils ne se sont plus revus. Ils ne font plus de l’art ensemble. Ils ne font plus d’art du tout. Et la force du texte de Ravenhill ne raconte pas leurs retrouvailles, vague nostalgie de l’amitié perdue. Non. Ravenhill leur fait raconter leur séparation. Les faits et les ressentiments. Ce qui s’est passé… à l’époque… au fond de cette piscine. Il y a ceux qui sont venus. Il y a ceux qui ne sont plus. Il y a celle qui est absente.
Je ne peux envisager un texte, donc un spectacle, sans considérer ceux qui sont venus avant et ceux qui viendront après. Le choix d’un texte est une résultante, c’est sa coïncidence avec une démarche, avec l’histoire en route (celle déjà derrière et celle de devant qu’on espère) qui attire mon attention. Les textes interpellent d’eux-mêmes et c’est, je crois, mon travail de savoir y être attentif. Attentif à ma résonance avec eux. Et pas seulement la mienne : celle du groupe de jeunes hommes et femmes que nous avons choisi de constituer pour avancer, raconter des histoires, raconter les nôtres, raconter la nôtre. Car, oui, nous sommes des vivants qui faisons du spectacle vivant… Et toujours il m’a semblé crucial de les faire s’accorder.
Aborder, ensemble, nous 6, la question du groupe, du groupe d’amis et du groupe de travail, puisqu’il en sera ainsi depuis 5 ans au moment où nous créerons ce spectacle. Partir de notre réalité de compagnie pour glisser dans cette fiction, comme Ravenhill part d’un fait réel pour en faire du théâtre, à la fois dans le fond et dans la forme. Car, je le constate avec mes deux dernières créations, si l’histoire racontée trouve des échos dans notre propre histoire, c’est aussi, à chaque fois, l’assaut d’une langue singulière et forte qui guide mes choix. Et Marivaux, Guitry, Ravenhill dessinent une ligne chaotique, donc évidente. C’est aussi l’envie d’un retour à une écriture d’aujourd’hui, moi qui ai appris mon métier avec elles. »
Texte : Thomas Jolly.