VU ! Roman(s) national

Roman(s) national – Aux urnes, citoyens !

Programmées dans la saison 2021/2022 du CDN de Normandie – Rouen les deux soirées de premières de Roman(s) national du Birgit Ensemble ont fait un tabac au Théâtre de la Foudre en ce début décembre.

Le duo composé par Julie Bertin et Jade Herbulot a fondé en 2014 Le Birgit Ensemble. De l’écriture à la mise en scène les deux amies férues d’histoire récente, avaient abordé avec leurs précédentes propositions des thématiques européennes ; elles s’attachent depuis 2018 à un nouveau cycle autour de la Ve République française.
Roman(s) national, fiction écrite en 2019 et enfin présentée fin 2021 résonne étrangement avec l’actualité : nous voici dans le QG d’un partie, c’est la dernière ligne droite de la campagne présidentielle… Tous les protagonistes s’occupent à faire élire Paul, le fringuant jeune maire d’une ville de province, héritier naturel de feu le président, mort prématurément. Pour cause d’élections anticipées Paul a monté son parti : « Horizon » (si, si !) et le QG est situé au Musée de l’Homme, privatisé depuis la grande catastrophe… Sur scène la dizaine de comédiens s’active ; la voix off donne les nouvelles : la mer est montée, encore, accélérant le flux des réfugiés climatiques venus du nord comme du sud ; au QG là on sonde, ici on épluche les réseaux sociaux, ou on élabore des stratégies et se peaufinent des slogans chocs pour répondre à l’adversaire qui clame qu’il faut quitter l’UE…

Roman(s) national décortique les ressorts et les schémas des discours politiques. L’attrait du pouvoir, ses magouilles, intrigues, compromissions et trahisons sont mis en lumière. On suit, haletant cette fin de campagne, quand…
Quand voici que des caves de l’ancien Musée semblent venir des voix, des fantômes… Et des questions se posent : Que faire ? Quand l’autre est notre semblable ? Recevoir ces étranger du Nord ou entendre ces voix d’un passé colonial… Ces voix oubliées, reléguées aux oubliettes. Culpabilité, Histoire. Comment s’écrit, se raconte l’Histoire ? La nôtre et celle d’une constitution, la Ve, écrite, rappelons-le, lors de la dernière guerre civile qu’ait connu notre pays. Une histoire tue, encore. Un récit national à ré-écrire ? Le propos de la pièce tape juste, ça percute ; ça prend aux tripes et au cerveau. Dans cette tragédie moderne s’invite un autre fantôme : Shakespeare, grand spécialiste s’il en est de la dissection de la folie du pouvoir…

Un spectacle puissant qui serait à voir par tous avant de se rendre aux urnes. Roman(s) national tourne en région parisienne et dans les Pays de la Loire, entre autres, jusqu’en avril 2022.